Nous avons besoin que les promesses du travail soient tenues

Astrid Panosyan-Bouvet - Nous avons besoin que les promesses du travail soient tenues

Le mardi 2 décembre 2025

Invité

Invitée du cercle Humania ce mardi 2 décembre, Astrid Panosyan-Bouvet, ancienne ministre déléguée chargée du Travail et de l’Emploi (2024), s’est emparée du sujet des retraites. Pour elle, « il faut cesser de prendre le problème à l’envers : cela fait quinze ans que l’on réforme les retraites, avant de parler du travail. » Elle a notamment appelé les élus – actuels et futurs – à redonner au travail son rôle d’ascenseur social.

Quelques mots sur l'événement

Astrid Panosyan-Bouvet a livré en introduction un inventaire des menaces qui planent aujourd’hui sur le travail. Plans sociaux liés aux restructurations industrielles, à un appareil productif obsolescent, surcapacités chinoises en Europe, représailles américaines… Et comment ne pas mentionner l’avènement de l’intelligence artificielle générative, motif ou prétexte à la suppression de dizaines de milliers d’emplois dans des grandes entreprises américaines. ?

 

« Cependant, faire face à ces urgences ne doit surtout pas nous empêcher d’envisager le long terme, a-t-elle souligné. Le Ministère du travail que j’ai eu l’honneur de diriger ne doit pas être regardé comme un ministère social, mais également comme un ministère économique, qui prépare l’avenir et qui investit dans les compétences. »

Le travail nous « permet d’être au monde »

« Quand vous êtes ministre du travail, a-t-elle fait remarquer, vous faites souvent l’éloge du travail, de ce qu’il apporte à nos vies, devant des auditoires qui ont parfois toutes les raisons de penser que les promesses ne sont pas tenues. Et le travail des responsables politiques est justement de s’assurer que les promesses soient tenues. Le travail qui paye, qui permet de se projeter, le travail qui émancipe, le travail qui permet d’être au monde et d’être reconnu. Nous avons besoin que les promesses du travail soient tenues, parce que notre pays a besoin de travailler plus longtemps, car nous avons tout simplement besoin de travailler plus. La quantité de travail est un des facteurs de prospérité collective. »

Elle a abordé le sujet de la reconnaissance des salaires, des conditions de travail, de santé et de sécurité au travail. Elle n’a pas évité la question de l’emploi des femmes, ni celle de l’accès à l’emploi des personnes les moins qualifiées. « Je ne regarde pas le travail comme une valeur à laquelle certains adhéreraient, d’autres non. Une valeur qui se serait perdue à la faveur d’une grande démission ou d’une montée de la flemme. Le travail, c’est une institution sociale. »

Elle a évoqué les métiers qui sont « pas tenables toute une vie », ceux pour lesquels on a une probabilité plus forte de partir en invalidité entre cinquante et cinquante neuf ans. Et bien sûr le chantier actuel autour de la réforme des retraites.

En finir avec le mythe du « paradis différé »

L’ancienne ministre défend la réforme des retraites de 2023 : « Malgré ses limites, elle est indispensable et nous nous tromperions lourdement si nous choisissions aujourd’hui de faire demi-tour et, plus grave, de rouler à contresens. » Elle est revenue sur le conclave organisé au printemps pour souligner que les responsables syndicaux avaient proposé deux pistes à l’époque, solides, et que malgré l’absence de consensus, ils avaient montré plus d’audace que le personnel politique « en introduisant pour la première fois la question de la désindexation des pensions des retraites sur plusieurs années pour pouvoir financer notamment ce qui était prévu autour de la pénibilité ou de l’amélioration des retraites des femmes. »

« J’en veux beaucoup, a-t-elle dit, à tous ceux qui entretiennent encore un imaginaire social où la réduction du temps de travail hebdomadaire ou à l’échelle de la vie est la pierre angulaire d’un projet de société où l’on travaille toujours moins, où la vie active doit se terminer par vingt cinq années de congés payés, et je constate la puissance du mythe de la retraite perçue comme un paradis différé après une vie de labeur. »

Soutenir l’emploi des seniors… mais aussi celui des jeunes !

« Il y a objectivement une inquiétude aujourd’hui à avoir sur le travail des jeunes, estime Astrid Panosyan-Bouvet. Je pense que ça doit être le chantier prioritaire. Et je crois que l’élection de 2027 sera très différente des précédentes : on ne peut plus se permettre de vivre une élection par défaut. Celle ou celui qui se présentera devra être sur un contrat de mission. Il devra s’inscrire dans un collectif qui donne le sentiment, y compris à ceux qui se disent qu’ils ne font pas partie de la même histoire politique, qu’ils seront écoutés et représentés dignement, dans un système de protection sociale qui n’est plus celui de la mutualisation des risques, comme en 1945, mais qui est devenu de facto, un système de transfert intergénérationnel. »

Florence Boulenger
Gestionnaire de contenu

Florence Boulenger est journaliste et consultante éditoriale, spécialisée dans les transformations des entreprises, avec un intérêt marqué pour le numérique et le futur du travail.