La fonction RH est au cœur de la réussite des acquisitions. On ne compte plus les études qui se succèdent sur l’importance des « facteurs humain », dont ceux relatifs à la « culture », dans l’atteinte des objectifs d’une intégration. Ces enjeux sont généralement jugés comme toujours surmontables. Ils le sont. Cependant, le succès dépend bien souvent de la pertinence de choix pris en amont, avant les transferts effectifs des salariés. Pour le bénéfice de l’ensemble des parties-prenantes, entreprise, collaborateurs, représentants des salariés et tiers : la fonction RH doit donc jouer un rôle actif dans le processus décisionnel et se faire une place dans toutes les phases d’une transaction. Mériadec Jonville, Associé dans le département de conseil en stratégie de PwC : Strategy&, donne les clés sur la façon dont les RH jouent un rôle lors d’acquisition et assurent leur réussite.
Quels sont les enjeux et les phases d’une acquisition ?
Les enjeux d’une acquisition sont nombreux, quels qu’en soient les objectifs et la magnitude. Au cours des différentes étapes qui jalonnent le chemin de l’intention à l’intégration, la fonction RH doit jouer un rôle de boussole et conserver un rôle clé à la table des décisions.
Pour rappel, l’acquisition s’articule autour de plusieurs phases, marquées par autant d’anglicismes :
- La réflexion stratégique sur la croissance externe de laquelle découle les critères qui seront utilisés pour filtrer les opportunités qui peuvent se présenter, ou de manière plus proactive, utilisés pour constituer une liste de cibles potentielles,
- La lettre d’intention quand les échanges avec un éventuel cédant commencent à se concrétiser puis la due-diligence, c’est-à-dire l’analyse de la cible et la détermination de son prix
- La signature du protocole transactionnel (SPA) ou d’une put-option,
La phase de préparation de la prise de contrôle, - Le Closing, c’est-à-dire la réalisation de l’opération
Phase 1 : la réflexion stratégique
La réflexion stratégique est un moment important dans la structuration des décisions et de l’alignement des parties prenantes internes. On observe ainsi très souvent dans les « target screening » une absence régulière de critères RH, hormis ceux sur les profils des dirigeants, notamment lorsque la création de valeur est éloignée des enjeux de compétences ou de management.
Si la dynamique opportuniste des fusions/acquisitions et un certain nombre de biais réduisent la portée des choix à ce stade, ils sont un moment intéressant pour clarifier les impératifs et points d’attention de la fonction RH mais également pour ancrer la fonction dans l’écosystème des décideurs d’un « deal » dans l’entreprise.
Phase 2 : la place des RH dans la due diligence
En cas de concrétisation d’une opportunité, la phase de due-diligence est plus déterminante. Elle prévoit quasi-systématiquement une revue des principaux éléments financiers (évolution des frais de personnel, analyse des passifs sociaux, etc.) et une revue légale (risques, conformité, rémunération des dirigeants et statuts notamment). Ces éléments s’avèrent clé pour la détermination du prix et des garanties.
Cependant, un investissement reste bien souvent à faire sur les éléments purement RH. Quand bien même l’accès à l’information est parfois ardu, le capital humain est un actif. Comprendre sa stabilité, ses enjeux et ses besoins d’investissement passe par une revue détaillée. A cet égard, la fonction RH doit innover et utiliser davantage les informations externes à l’entreprise en s’aventurant dans le « big data ». Elle doit également être un partenaire lors des sessions experts avec le management et imposer du présentiel, pour prendre le pouls de l’entreprise. Rien ne remplace par exemple une visite de site pour capter les enjeux immatériels sur lesquels baser ses instincts et sa force de conviction.
Phase 3 : négociation du protocole transactionnel
La fonction RH doit ensuite participer aux négociations des clauses du protocole transactionnel (“Sales Purchase Agreement”). La base consiste à assurer la continuité des opérations et à sécuriser la phase intermédiaire. Cependant, pour préparer une intégration, il faut également s’assurer de pouvoir accéder à davantage d’information que lors de la phase de due-diligence. Par exemple, l’accès régulier aux listes du personnel avec grading et ventilation de la rémunération est une donne essentielle pour préparer l’intégration. De même, il est primordial de pouvoir veiller à l’engagement des personnes clés. Des « clean teams » peuvent être mise en place pour protéger la confidentialité avant la prise de contrôle effective, comme c’est d’usage a minima pour l’interconnexion du SIRH. Enfin, la communication auprès des équipes dans la phase qui s’ouvre est critique : les documents contractuels doivent mettre sous contrôle les procédures de consultation et la coordination.
Enfin, les acteurs financiers sont généralement frileux à entrer sur le terrain de la culture organisationnelle qu’ils perçoivent comme immatériel, non-mesurable et difficile à faire évoluer sur le court-terme. Les questionnements sur la culture se tiennent donc loin des priorités.
Pourtant, les « clashes » culturels représentent une cause majeure de destruction de valeur dans les Deals. Ce sujet doit être un point de préoccupation pour la Direction Générale qui peut mener des diagnostics et s’assurer d’une prise de conscience des particularités de chacune des parties pour faciliter la compréhension mutuelle et le dialogue dès les premières phases de collaboration. Elle peut ensuite se tourner vers la définition d’une culture aspirationnelle assumée qui permet d’utiliser ce moment clé pour faire changer les comportements.
Vecteur essentiel de la transformation, une acquisition peut être saisie de manière opportuniste pour mieux adapter les sous-jacents culturels aux nouveaux besoins de marché.
Phase 4 : la prise de contrôle
On voit qu’un des enjeux va dès lors être de prioriser car la fonction RH conserve des moyens limités. Il est important de former brièvement les collaborateurs : objectifs, hiérarchie des enjeux, maîtrise des relations avec le vendeur, avec les tiers, etc. Elle doit aider à comprendre les réelles limites de l’antitrust et à ne pas subir une instrumentalisation des limites nécessaires des phases préalables au Closing.
Si les enjeux varient en fonction des opérations, la maîtrise de la masse salariale (statut social, évolution des effectifs, …) et l’anticipation des nominations (target operating model, carrières…), doivent rester au cœur des préoccupations.
Ainsi, la fonction peut contribuer à amener l’entreprise au meilleur niveau possible lors du Closing avec une prise de contrôle neutre pour les collaborateurs et une communication engageante, qui s’échappe de la banalité et concourt au projet d’entreprise.
Comme pour les autres considérations de Responsabilité Sociale de l’Entreprise, la cession ou l’acquisition d’une activité s’inscrit au-delà des bornes de l’entreprise. Il est important de considérer qu’elle porte un impact direct sur la santé économique des entreprises, et donc sur l’emploi, mais également sur le bien-être au travail avec la bonne compréhension du sens d’une transaction.