L’emploi des seniors : des préjugés qui freinent le recrutement

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Le recrutement des séniots et les préjugés durables

Le taux d’emploi des séniors, personnes âgées de 55 à 64 ans, n’a cessé de progresser sur les vingt dernières années. Alors qu’il n’était que de 32 % au début des années 2000, il était de 56,2 % en 2021. L’hexagone reste toutefois à la traîne sur ses voisins européens. Le taux d’emploi des séniors est de 60,1% en moyenne selon les chiffres de 2021 d’Eurostat.

Plusieurs rapports parus au cours de l’année 2022 remettent la question de l’emploi des séniors au cœur des préoccupations. La question est d’autant plus d’actualité que la hausse de l’âge des départs à la retraite interroge sur la place des séniors en entreprise. Ensuite, le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs pousse les entreprises à explorer des viviers de candidats plus larges. Pourtant, les discriminations perdurent. A un tel point que la mise en place d’un index similaire à celui de l’égalité professionnelle hommes femmes est confirmé. Quels préjugés sont les plus importants et sont-ils justifiés ? Nous avons mené l’enquête.

Voici, selon une étude d’Ipsos et d’à compétences égales, les principaux freins pour le recrutement des séniors :

Chiffres préjugés séniors

La difficulté d’intégration dans des équipes plus jeunes

Un sénior a-t-il nécessairement des difficultés plus importantes à s’intégrer dans une équipe plus jeune ? Ce n’est pas forcément le cas. Les équipes sont même enthousiastes à l’idée d’avoir des collègues plus expérimentés : 70% des collaborateurs souhaitent voir des seniors recrutés dans leur structure. Pour cause : des équipes intergénérationnelles permettent de créer plus d’émulation et d’échanges, entre mentoring et reverse mentoring. Cet aspect est soutenu par le rapport de l’Institut Montaigne, sorti en 2022, qui propose la mise en place d’une nouvelle forme de contrat intergénérationnel axé sur le mentoring et la transmission.

Plusieurs études font état de la plus grande efficacité des équipes diversifiées, y compris en matière d’âge. Les membres des équipes intergénérationnelles ont chacun des compétences différentes à partager. De par leur expérience, les salariés les plus expérimentés ont tendance à être moins ébranlés par les crises.

Les séniors ont-ils plus de mal avec les nouvelles technologies et à acquérir de nouveaux savoirs ?

Les seniors ont-ils moins de capacité d’adaptation aux nouvelles technologies ? De manière générale, sont-ils moins aptes à acquérir de nouvelles compétences et plus rétifs au changement ?

D’après un article de Cégos, les séniors ont des manières différentes d’apprendre, que ce soit pour monter en compétences en matière de numérique ou pour d’autres formations plus classiques. C’est en effet dû à une modification des capacités cognitives avec l’âge. En vieillissant, on tend ainsi à mobiliser les connaissances acquises, comme une banque de modèles de résolution de problèmes. Les séniors restent donc de bons apprenants, notamment en faisant des ponts entre les nouvelles connaissances et les connaissances précédemment acquises. Un sénior aura cependant plus de mal à sortir de ses routines : il ou elle apprendra plus par assimilation (processus d’intégration d’une information dans une représentation mentale existante) que par accommodation (processus de modification de la représentation mentale).

Une manière d’apprendre différente nécessite donc d’adapter ses méthodes de formation. Les séniors préfèrent apprendre à leur propre rythme et doivent réentraîner leurs capacités cognitives. C’est aussi une population qui a besoin de réassurance, n’ayant pas l’habitude de piloter leurs projets de formation. Il convient d’éviter de les mettre en concurrence avec des populations plus jeunes qui apprennent plus vite. Une autre stratégie peut être de donner des feedbacks fréquents sur les avancées pour encourager et valoriser le chemin parcouru.

De nombreux éléments qui correspondent, contrairement aux idées reçues, à des apprentissages en e-learning ou hybrides. En réalité, le manque d’adaptation aux nouvelles technologies peut venir d’une crainte chez les populations séniors. En effet, aucune étude ne vient confirmer un réel problème dans l’usage des nouvelles technologies.

L'emploi des séniors, freiné par le temps de travail restant jusqu’à la retraite

Aujourd’hui, les collaborateurs restent en moyenne deux à trois ans dans une entreprise. Recruter des collaborateurs plus jeunes ne rime pas forcément avec fidélisation à long terme. D’après une étude de l’Observatoire des Trajectoires Professionnelles, près de 26 % des salariés ont vécu un changement d’emploi au cours des 12 derniers mois. Avec un départ à la retraite repoussé à 64 ans, il reste de nombreuses années de carrière aux quinquagénaires avant de raccrocher.

De plus, les salariés plus âgés ont tendance à être plus loyaux que des employés plus jeunes, une qualité reconnue par les employeurs, de même que leur expertise et leur expérience d’après l’étude menée par ipsos et à compétences égales.

Une santé plus fragile

L’une des craintes des recruteurs concerne la fragilité de la santé des seniors. Cette idée tenace tient plus du préjugé que de la réalité. En effet, comme rappelé dans cet article d’Alliancy, le baromètre Absentéisme de Malakoff Humanis, rétrospective 2016-2022 montre que les plus de 50 ans n’ont pas plus d’arrêts maladie que les autres tranches de la population. Il y a au contraire une surreprésentation des 18-34 ans. C’est notamment dû à la hausse des difficultés psychologiques, accentuées par la pandémie et les confinements successifs. Cet aspect touche particulièrement les plus jeunes générations d’après une enquête de CoviPrev publiée en juin 2021.

Le coût pour l’entreprise

Il est indéniable qu’un sénior a des prétentions salariales plus élevées. Dans ce cadre, il est conseillé de changer de point de vue et de parler en coûts/avantages plutôt qu’en coûts purs et simples. Les seniors peuvent apporter des années d’expérience et de connaissances à l’équipe et peuvent aider à encadrer les employés plus jeunes. Ils peuvent également permettre de réaliser des économies en réduisant les coûts de formation et le temps nécessaire pour atteindre la maîtrise d’un poste.

De plus, d’après un baromètre réalisé par le Défenseur des droits et l’OIT (Organisation internationale du travail) en décembre 2020, les séniors sont eux-mêmes prêts à prendre la problématique à bras-le-corps. Ils sont 74% à affirmer être prêts à revoir leur rémunération à la baisse. Enfin, pour soutenir le recrutement des séniors, l’Etat met en place différentes aides et mesures aux entreprises pour favoriser l’emploi : notamment des CDD séniors et des aides aux contrats de professionnalisation.

La plupart des croyances qui nuisent à l'emploi des séniors sont infondées

Contrairement aux idées reçues, les séniors apportent beaucoup aux équipes comme aux entreprises ! Souvent plus loyaux et bénéficiant de volets de compétences larges grâce à leur expérience et à leur expertise, lutter contre les stéréotypes liés à cette classe d’âge est un enjeu social majeur. Pour faire face aux freins persistants, plusieurs voies sont explorées pour promouvoir l’emploi de cette population, notamment par l’institut Montaigne, qui propose plus d’incitations pour les entreprises.

Camille Barbry
Camille Barbry
Gestionnaire de contenu
Camille Barbry crée du contenu depuis plus de 4 ans. Spécialisée en Ressources Humaines. Elle a coécrit un livre, “RH et transformations, Stratégies et tactiques pour s’adapter dans un monde incertain”, paru en mai 2022 aux éditions Dunod. Depuis 2022, elle travaille au Cercle Humania comme gestionnaire de contenu.