La place du handicap en entreprise, quel état des lieux et quels leviers RH ?

Les personnes en situation de handicap connaissent une inclusion difficile sur le marché du travail

La place du handicap dans l’entreprise est à l’image de sa place dans la société : le handicap en France est mal connu. Cet état de fait agit aussi bien sur les personnes atteintes de handicaps, qui peinent à trouver un emploi, que sur les entreprises, qui peinent à proposer des environnements de travail adaptés. En 2020, le taux d’emploi des travailleurs handicapés était de 36% contre 65% pour la population globale française. Au niveau sociétal comme au niveau des entreprises, l’emploi des personnes en situation de handicap est un enjeu éthique et social. Comment expliquer cet écart et quels leviers les Directions RH peuvent-elles activer en réponse ?

Le handicap : des situations aussi différentes que variées

Il existe de nombreuses idées reçues sur la notion de handicap, dont beaucoup sont dues au manque de visibilité et de sensibilisation des différentes parties prenantes. Ensuite, le handicap change de forme selon le contexte et sa nature. Ce qui rend l’adaptation parfois complexe dans des structures qui ne sont pas spécialisées dans l’emploi des travailleurs handicapés, comme c’est le cas des Entreprises Adaptées.

L’OMS définit 5 types de handicap

Ces 5 types de handicap sont catégorisés d’après 3 niveaux descriptifs :

  • La déficience
  • L’incapacité
  • Le désavantage

Le handicap moteur : Il concerne tous les types de handicaps qui limitent les déplacements, la motricité, la possibilité de réaliser certains gestes.

Le handicap sensoriel : Le handicap sensoriel concerne aussi bien les troubles de la vision comme la malvoyance ou la cécité que les troubles auditifs comme la surdité, partielle ou totale.

Le handicap psychique : Il concerne des personnes développant des troubles affectifs, sociaux ou émotionnels. On parle de pathologies comme la schizophrénie, les troubles obsessionnels du comportement, la bipolarité…

Le handicap mental : Ici, les individus développent des troubles du développement intellectuel ou des capacités sociales. Les plus connus sont la trisomie 21 et les troubles du spectre autistique.

Les maladies invalidantes : des maladies ou des pathologies graves qui résultent en des incapacités. C’est le cas de maladies comme le diabète, le cancer… qui impliquent de graves séquelles menant à une invalidité.

Autant de handicaps qui se manifestent différemment et qui nécessitent des adaptations spécifiques. Ces besoins ont un impact important sur l’employabilité des salariés en situation de handicaps et donnent droit à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Beaucoup de handicaps sont méconnus, invisibles ou victimes de préjugés. Une situation qui implique un manque d’aménagements, pourtant souvent obligatoires pour favoriser l’autonomie des personnes handicapées. 

La diversité des handicaps explique en partie la difficulté de recruter en entreprise

Pour de nombreux handicaps physiques, les problématiques se posent surtout au niveau de questions comme l’accessibilité des lieux ou de l’environnement de travail. En entreprises, ces aménagements sont plus facilement pris en charge aux niveaux techniques et financiers.

Pour les handicaps non visibles, notamment psychiques ou mentaux, de nouveaux obstacles apparaissent. Les fonctionnements mentaux hors normes comme la schizophrénie sont aussi difficiles à expliquer qu’à comprendre. La plupart de ces troubles sont accompagnés de préjugés qui freinent leur insertion professionnelle : craintes de perte de productivité, d’arrêts de travail ou d’adaptations sociales… Dans un environnement très codifié comme celui du monde du travail, qui contient une partie sociale, du formel comme de l’informel, certaines compétences sont déficitaires dans certaines pathologies psychiques.

Du type de handicap dépendent l’adaptation et l’accompagnement proposés : plages de travail dédiées à la concentration, équilibre télétravail / présence… 

L’inclusion du handicap : une partie intégrante de la politique de diversité de l’entreprise

Le handicap est une problématique centrale pour les politiques d’emploi. L’OETH (Objectif d’emploi des travailleurs handicapés) est un dispositif légal renforcé pour de nombreuses entreprises. Outre les aspects légaux, l’inclusion des personnes en situation de handicap est rendue difficile suite à un manque de sensibilisation mais aussi à des difficultés de recrutement.

La diversité des handicaps explique en partie la difficulté de recruter en entreprise Le point sur la place du handicap dans la loi

Le mot de l'expert

Les contraintes légales visent à favoriser le recrutement et l’inclusion des personnes en situation de handicap. Même si la situation des travailleurs handicapés en entreprise a progressé ces dernières années, l’évolution reste lente et encore éloignée du plein emploi : 

  • Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est passé de 19% en 2017 à 13% en 2022, mais reste presque deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population active ;
  • En 2021, les personnes handicapées en emploi représentent 4% de l’ensemble de personnes en emploi, alors que le taux d’obligation d’emploi est de 6% dans les entreprises de 20 salariés au moins ;

La dernière réforme en la matière est issue de la Loi « Avenir Professionnel » du 5 septembre 2018 qui a rénové l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) avec pour objectifs d’accélérer l’inclusion des travailleurs handicapés en entreprise, en privilégiant l’emploi direct et en simplifiant la déclaration de l’OETH.

Depuis le 1er janvier 2020, l’OETH peut être remplie de trois façons :

  • L’emploi direct de personnes handicapées ;
  • La conclusion d’un accord collectif agréé, dont la durée est désormais limitée à 3 ans (renouvelable une seule fois), afin d’en faire un réel outil d’amorçage d’une politique RH favorable à l’emploi des travailleurs handicapés dans l’entreprise ;
  • Le paiement d’une contribution à l’Agefiph (désormais recouvrée par l’Urssaf), les dépenses déductibles et les plafonds applicables ayant été redéfinis afin de favoriser l’emploi de travailleurs handicapés et de valoriser les politiques RH favorables en la matière. L’Agefiph a mis en place un simulateur permettant d’estimer ce montant.

Une étape essentielle pour un recrutement inclusif : la rédaction des offres

L’agefiph a mis en ligne un livre blanc qui met en avant l’importance dans la rédaction des offres d’emploi pour favoriser le recrutement des personnes en situation de handicap. L’une des premières étapes est de valoriser la volonté de l’entreprise en matière d’emploi de personnes en situation de handicap. Préciser des éléments comme l’existence d’une référente handicap, l’accessibilité du bâtiment… De peur des biais, de nombreux travailleurs handicapés ne postulent pas à des offres standards ou ne déclarent pas leur handicap.

Ensuite, l’offre doit mentionner les spécificités de l’environnement de travail. Cela permet au chercheur d’emploi de se projeter dans le poste en mesurant la compatibilité entre ses besoins et l’emploi proposé. Voici une liste des éléments que vous pouvez préciser pour faciliter l’identification des offres et lieux de travail inclusif d’après les groupes de travail menés par make.org :

Comment adapter se offres d'emploi selon la nature des handicaps
Une fois l’offre rédigée, il ne faut ni négliger le choix des plateformes, ni la sensibilisation des managers et des recruteurs.

Etude de cas : Mission Handicap et les leviers pour le recrutement des personnes handicapées

Parmi les exemples de réussite, le groupe de presse et de communication Centre France La Montagne a développé des partenariats et souhaité la multiplication des expériences de recrutement pour plus d’inclusion. Dans un premier temps, la référente handicap a contacté différents opérateurs spécialisés, outre Pôle Emploi, dans l’accompagnement des personnes handicapées vers l’emploi.

Via ces partenaires, Centre France La Montagne multiplie les expériences de recrutement hors des cadres pour rencontrer des candidats : accueil de stagiaires et d’intérimaires avec un handicap, mises en situation professionnelle, participation à des initiatives comme le DuoDay. Quel est le principe du dispositif ? C’est un levier d’aide à l’emploi pour les personnes handicapées. Une entreprise accueille lors d’une journée nationale une personne en situation de handicap qu’elle couple avec un professionnel. En outre, la référente a mis en place des formations et de la sensibilisation en interne, ce qui a permis de recruter plus de personnes en situation de handicap.

Le site de l’Agefiph donne accès à une documentation exhaustive sur le recrutement et l’accueil de personnes en situation de handicap au sein de l’entreprise. Si la sensibilisation et la connaissance des différentes natures du handicap facilitent les politiques en leur faveur, elles poussent également à aller plus loin. Les entreprises doivent aussi se questionner sur la façon dont elles approchent la productivité, notamment pour systématiser l’inclusion et non plus n’en faire qu’un simple étendard. Enfin, les établissements spécialisés comme les ESAT, Cap Emploi, les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH) et des associations peuvent soutenir et guider les entreprises vers plus d’inclusion du handicap.
Camille Barbry
Camille Barbry
Gestionnaire de contenu
Camille Barbry crée du contenu depuis plus de 4 ans. Spécialisée en Ressources Humaines. Elle a coécrit un livre, “RH et transformations, Stratégies et tactiques pour s’adapter dans un monde incertain”, paru en mai 2022 aux éditions Dunod. Depuis 2022, elle travaille au Cercle Humania comme gestionnaire de contenu.