La réflexion pour emprunter une démarche RSE est un défi pour de nombreuses organisations. Si les incitations légales sont de plus en plus nombreuses, une stratégie responsable et qui porte ses fruits demeure éprouvante à structurer de manière efficace pour de nombreuses entreprises. Sophie Touhadian-Giely, Secrétaire générale de ManpowerGroup France, fait partie des équipes chargées de structurer le reporting RSE, mais aussi de lancer l’ensemble des actions menées lors de la démarche. Elle a accepté de nous parler plus en avant de la stratégie de ManpowerGroup, leader international de services en Ressources Humaines.
Pourquoi ManpowerGroup a-t-il décidé de structurer une démarche RSE ?
La RSE découle des fondements des valeurs de notre Groupe : “Working to change the world”. Le modèle de ManpowerGroup implique d’assurer un emploi durable au plus grand nombre. La stratégie RSE s’appuie sur cet ADN culturel qui permet d’accompagner un changement amené à impacter l’ensemble des sociétés et des parties prenantes. Notre stratégie s’imbrique totalement dans la continuité de notre histoire.
La démarche s’inscrit également dans une demande du marché. Nous le voyons très régulièrement en entretien : les candidats posent des questions sur les initiatives responsables menées au sein de l’entreprise. C’est un critère différenciant en termes de marque employeur et d’attractivité. Nous pensons qu’il est indispensable aujourd’hui d’initier ce type de démarche.
Quelle équipe s’est occupée de lancer et structurer la démarche RSE ?
Quelle place a pris la Direction des Ressources Humaines dans cette démarche ?
Les Ressources Humaines ont bien sûr joué un rôle important. Sur le volet de la RSE, de nombreux engagements concernent le département RH. Nous avons un engagement très fort pour la diversité en termes d’égalité homme femme. Nous poursuivons l’objectif d’atteindre 50% de femmes dans le top leadership à l’échelle mondiale. C’est un sujet très RH qui nécessite un travail de fond pour anticiper des process, détecter les compétences, porter les femmes pour les positionner sur les successions. Ici, les Ressources Humaines se font le relais des objectifs de groupe au niveau Groupe et par pays.
Nous avons également un sujet au niveau de la communauté LGBT. Pour ManpowerGroup, l’objectif est de créer un environnement de travail sûr au sein duquel cette communauté se sent bien. Nous avons mis en place toute une démarche pour favoriser l’inclusivité dans la communication mais aussi évaluer la conformité des processus RH. L’objectif est de fournir la réponse adaptée aux problématiques qui vont se poser et d’être à l’avant-garde des questionnements.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans la mise en place des KPIs de mesure ?
Pour le volet environnemental
Nous avons un engagement très fort. Pour entrer dans un aspect un peu technique, nous visons une réduction de 60% des émissions de CO² des scopes 1 et 2 à l’horizon 2030. Il s’agit de nos émissions directes et des émissions indirectes liées aux consommations énergétiques, plus facilement maîtrisables. Nous avons beaucoup de données liées aux émissions des bâtiments, qui fonctionnent à 100% avec de l’énergie verte. La plus grande difficulté est de collaborer à grande échelle de manière transversale et structurée pour mesurer et récupérer cette donnée.
Pour le bilan social
La complexité dépend de ce qui est mis en place. Nous nous reposons beaucoup sur la collaboration.
Pour revenir par exemple au sujet de la LGBT, nous sommes au début du processus. Nous avons lancé un sondage auprès des collaborateurs pour recueillir des informations. Quels sont les principaux sujets de cette communauté ? Comment ressent-elle les problématiques ?
L’objectif est de remonter les perceptions et les vécus pour adapter ou créer des process, et mieux travailler la communication. Nous touchons à des sujets très personnels, le but est donc que la démarche ne soit pas intrusive. Les sondages permettent cependant de remonter les perceptions identifiables et les besoins. Pour ce type de question, la nature des réponses et des sensibilités dépendent beaucoup du pays et de la culture. La réponse apportée doit donc être adaptée à chaque environnement. La donnée est plutôt qualitative que quantitative.
Pour la Gouvernance
Le sujet est beaucoup plus simple. Comme beaucoup d’entreprises de grande taille et côtées, les KPIs ESG liés à la gouvernance (corruption, pratique anti-concurrentielles…) sont encadrés depuis des années. Ils ne présentent pas de challenge particulier pour la constitution du rapport.
La RSE désigne un paradigme et une démarche qui se travaille au niveau de l’entreprise. Les critères ESG (pour Environnement, Social, Gouvernance) définissent comment mesurer cet impact de manière rationalisée en définissant des KPIs. L’ESG désigne trois grandes dimensions, l’environnement (les aspects écologiques, les émissions de CO2…), le social (QVT, inclusion et diversité…) et la Gouvernance (l’éthique dans la gestion de l’entreprise, l’absence de corruption, la protection des données privatives….)
Pour les aspects sociaux, quelles autres initiatives de ManpowerGroup sont développées ?
Nous avons un département dédié à la QVT qui dépend des Ressources Humaines. L’un des sujets les plus importants pour nous est la place des personnes en situation de handicap. Notre mission est de permettre l’emploi et le retour à l’emploi pour les intérimaires en situation de handicap. Ce sont des données qui contribuent au rapport RSE que nous élaborons tous les ans.
Pour aller plus loin au niveau de l’engagement, une enquête est menée auprès de l’ensemble des collaborateurs. C’est un outil très important pour remonter les ressentis et les difficultés des collaborateurs.
ManpowerGroup a également une Fondation d’entreprise qui œuvre pour l’acquisition et le développement des compétences nécessaires pour l’accès à l’emploi et à l’épanouissement professionnel de tous les publics. La Fondation ManpowerGroup a mis en place une plateforme favorisant le mécénat de compétences. Elle relie plusieurs entreprises avec les collaborateurs, ces derniers peuvent accéder aux projets qui leur plaisent le plus. Il est possible pour eux d’effectuer 3 jours de mécénat de compétences par an. Ce type d’initiative s’inscrit dans la lignée de notre ADN car elle capitalise sur l’engagement des collaborateurs.
Pour conclure, quels conseils pour les entreprises qui souhaitent mettre en place ou accentuer une stratégie RSE ?
Je conseillerais dans un premier temps de mettre en place un département dédié. La raison est simple : il faut une véritable expertise sur les indicateurs. Les critères de mesure liés à l’ESG peuvent être très pointus et exigeants. De plus, la démarche RSE s’inscrit dans l’ensemble des départements de l’entreprise. Dès lors, il faut assez bien connaître l’organisation pour être capable de chercher et de collecter les bonnes informations. Pour effectuer cette mission, il n’est pas nécessaire d’avoir une équipe de taille importante : deux personnes autonomes avec des capacités de coopération et un bon relationnel suffisent à faire un département efficace.
Je conseille également de beaucoup travailler sur la communication et la veille en amont. La question de la sensibilisation aux enjeux est essentielle pour placer les fondations de la stratégie RSE. Comme la RSE est le fruit d’un effort collectif, il convient d’effectuer un véritable travail d’acculturation culturelle auprès des collaborateurs et des parties prenantes pour assurer l’engagement tout au long du processus.