L’engagement est une problématique massive mais qui connaît une légère embellie. Beaucoup d’entreprises associent cette baisse de l’engagement avec le développement du travail à distance. Ainsi, si la période de la pandémie avait, pour beaucoup, amorcé le règne du travail à distance, beaucoup d’entreprises font machine arrière. Parmi les plus récentes, Zoom est symbolique, puisque ce fournisseur d’un service de visioconférence a annoncé imposer deux jours de présence au bureau à ses collaborateurs. Un choix qui pose de nombreuses questions : les collaborateurs sont-ils plus productifs chez eux ou au bureau ? Au-delà de la productivité, quid de la culture d’entreprise ? Existe-t’il l’organisation parfaite ?
Les derniers chiffres sur le travail à distance et ce qu’ils disent
Le passage, parfois brutal, au 100% distanciel a entraîné de lourds changements organisationnels. Après quelques années avec une organisation tendant vers l’hybride, nous avons assez de recul pour faire le point sur cette nouvelle flexibilité.
En France, 47% des entreprises ont adopté le télétravail, ce qui signifie que 55% de la population active travaille à distance au moins une journée par semaine, selon un récent sondage publié par JLL. Il est particulièrement apprécié des managers (75%), de la génération Z (73%), de la génération Y (69%) et des aidants (66%).
Les entreprises qui ont adopté le télétravail le font en moyenne pendant 3,6 jours par semaine, par rapport à 1,6 jour à la fin de l’année 2019. En d’autres termes, il y a eu un changement significatif : les employés autorisés au télétravail passent désormais plus de temps à travailler depuis chez eux qu’au bureau, alors que le télétravail était autrefois occasionnel.
Zoom sur les bénéfices à travail à distance
Le distanciel est particulièrement demandé par les travailleurs, qui y voient une opportunité de flexibilité accrue. Plus précisément, Les collaborateurs se sentent plus engagés (45%) et plus autonomes (39%). Au Royaume-Uni, le Financial Times pointe la hausse des emplois à temps plein de populations qui ont tendance à travailler à temps partiel à cause de contraintes personnelles et familiales, les femmes séparées qui élèvent seules des enfants par exemple.
Les collaborateurs se sentent également plus productifs, ce qui peut s’expliquer pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, le bureau est le lieu de toutes les interruptions, ce qui nuit à la concentration. D’après Nicholas Bloom, chercheur à Stanford, spécialisé dans l’étude de l’impact du travail en distanciel, il vaut mieux travailler de chez soi pour les tâches nécessitant une forte concentration. Un autre gain de temps, plus évident, concerne les transports, ce qui permet moins de fatigue et plus de temps consacré à des activités à valeur ajoutée.
En ce sens, le télétravail permet d’accroître la qualité de vie et de retenir les collaborateurs en permettant d’offrir plus de possibilités en termes de lieux d’habitation, mais aussi de travailler dans des tiers lieux, particulièrement utiles pour des professions avec une dimension créative. Mais loin d’un tableau uniquement idyllique, le télétravail a des revers.
Mais une perte de lien au sein de l’organisation
La perte de productivité peut s’opérer ailleurs ! Les collaborateurs comme les entreprises constatent et regrettent le manque d’esprit de corps pour le distanciel. La Fabrique de l’industrie a publié un rapport pointant ce délitement du lien social qui peut se développer via l’usage généralisé du télétravail : « l’entreprise joue moins son rôle de lieu de construction sociale, et l’activité de travail n’est plus rythmée par des rituels matérialisés dans des lieux de rencontre précis (machine à café, couloir, cantine) ».
En juin 2020, pendant que la France commençait à lever son premier confinement, 54 % des responsables des ressources humaines interrogés par l’Association nationale des DRH faisaient part de leur observation selon laquelle il y avait « une diminution de la créativité et de la capacité à résoudre des problèmes complexes ». En somme, le distanciel diminue les occasions de confronter les points de vue et de générer une émulation intellectuelle entre les collaborateurs.
Le distanciel, cause ou symptôme ?
Toujours d’après l’étude de JLL, 60% des travailleurs pensent que le bureau conservera un rôle central dans leur vie professionnelle. En effet, les travailleurs qui préfèrent être en 100% distanciel ou en 100% présentiel ne présentent pas la majorité. Dans cette optique, le choix du distanciel peut également affirmer une volonté de s’éloigner du travail. Le distanciel est la manifestation d’un malaise qui ne sera pas réglé par l’obligation du présentiel.
Comme beaucoup de changements d’organisations, le télétravail, le travail hybride ou le présentiel dépendent de la culture d’entreprise mais aussi des préférences de chaque travailleur. Ainsi, l’échec du télétravail n’est pas tant dans sa nature que dans la capacité des entreprises et des individus à l’adopter dans le bon contexte et pour les bons objectifs. Un challenge d’autant plus central que ce mode d’organisation est devenu incontournable pour de nombreux métiers en pénurie, qui profitent de leur position dominante pour conserver des modalités de travail qui ont leur préférence.
Dans ce contexte, la question est donc de savoir comment la Direction RH peut construire une organisation assez flexible et résiliente pour proposer une personnalisation des méthodes de travail à chaque collaborateur tout en gardant une cohérence dans son identité, ses valeurs et sa culture d’entreprise et un esprit collaboratif.