Depuis les années de la pandémie, le télétravail a connu une envolée en termes de pratique. Les métiers cadres se prêtent particulièrement à cette modalité d’organisation. Mais ce changement ne se fait pas sans limites, ni impacts sur le quotidien. Quelles conclusions peut-on tirer après 4 ans de mise en place du travail à distance ? L’Apec a lancé une étude centrée sur les cadres. Marion Desreumaux, cheffe de projet études, nous partage les conclusions de cette étude.
Pourquoi avoir lancé cette étude ? Quelle méthodologie a été utilisée ?
Quel rapport entretiennent les cadres avec le télétravail aujourd’hui ?
Les cadres sont devenus en grande majorité des adeptes du télétravail. 2/3 d’entre eux télétravaillent au moins une fois par semaine. Parmi ces cadres télétravailleurs, environ la moitié sont satisfaits du nombre de jours de télétravail dont ils bénéficient, et l’autre moitié aimeraient en avoir encore plus, souvent un jour de plus que ce que permet aujourd’hui leur employeur. Rares sont ceux qui en veulent moins.
Parmi les cadres qui ne télétravaillent pas ou seulement très ponctuellement, soit un tiers des cadres, on distingue à parts égales ceux pour qui cela est un choix et ceux pour qui cela est une contrainte, une limitation imposée par l’entreprise.
En résumé, seul 1 cadre sur 10 voudrait télétravailler à 100% ou ne pas télétravailler du tout, et la très grande majorité plébiscite le travail hybride, avec une fréquence idéale souvent estimée à 2 ou 3 jours par semaine.
Pour quelles raisons les cadres approuvent-ils ce mode de travail ?
Ce que les cadres apprécient dans le télétravail, c’est avant tout le gain en matière de qualité de vie. Qualité de vie en général : moindre fatigue liée à l’absence de transport, plus grand équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, gestion plus aisée des imprévus… Mais aussi qualité de vie professionnelle : concentration facilitée, autonomie accrue…
Les cadres adaptent d’ailleurs leurs missions en fonction de leur lieu de travail ou inversement. Ils vont préférer le travail à domicile pour les tâches qui demandent une forte concentration, pour l’avancement de leurs projets, ou pour les tâches ne nécessitant aucune coopération comme la gestion administrative. Et réserver le présentiel pour les réunions et le travail collectif.
Y a-t-il des profils de cadres qui plébiscitent moins le télétravail ?
Pas vraiment. Un cadre sénior sur cinq ne souhaite pas télétravailler et un cadre sur quatre dans le secteur du Commerce. C’est légèrement plus que la moyenne, mais cela reste minoritaire.
Les cadres managers télétravaillent un peu moins que les non-managers, mais cela n’est pas toujours par choix. On constate dans nos enquêtes que les cadres managers peinent à prendre tous les jours de télétravail auxquels ils ont droit, sans doute parce qu’ils sont plus sollicités pour participer à des réunions sur site et/ou qu’ils veulent garder le lien – en présentiel – avec leur équipe.
Nous entendons très régulièrement parler de retour au bureau, comment les cadres considèrent cette idée ?
L’idée ne leur plaît pas beaucoup. 7 cadres télétravailleurs sur 10 seraient mécontents si leur entreprise réduisait leur nombre de jours de télétravail et même plus de 8 sur 10 si l’entreprise allait jusqu’à supprimer le télétravail. Dans cette dernière hypothèse, 45% déclarent même qu’ils chercheraient à changer d’entreprise, un chiffre qui monte à 57% parmi les plus jeunes. Les cadres semblent désormais considérer le télétravail comme un acquis et ont beaucoup de difficultés à concevoir que les entreprises puissent vouloir revenir en arrière.
Est-ce que l’étude a souligné des risques liés au télétravail ? Lesquels sont-ils ?
Oui, si les cadres plébiscitent le télétravail, ils sont dans le même temps conscients de ses risques. Ils mettent en avant trois grands points de vigilance. Le premier, sans doute le plus évident, est celui concernant la dilution du collectif. Près d’un cadre sur deux estime que le télétravail réduit les interactions avec les collègues et peut brider la cohésion.
Le deuxième point de vigilance, c’est celui du brouillage entre vie personnelle et vie professionnelle. Le télétravail facilite le plus souvent la conciliation, mais pour 4 cadres sur 10, il peut aussi conduire à une difficulté à bien séparer les deux sphères.
Enfin, le troisième risque, c’est celui de voir son développement professionnel entravé. Avec le télétravail, certains cadres estiment qu’ils apprennent moins de leurs collègues, qu’ils sont moins visibles de leur hiérarchie et même qu’ils ratent sans doute des informations et des opportunités professionnelles.
Ces différentes limites du télétravail sont particulièrement ressenties par les cadres les plus jeunes – concernés au premier chef par les enjeux d’intégration et d’évolution professionnelle. Toutefois notons que les cadres, dans leur très grande majorité et quel que soit leur âge, considèrent que les avantages du télétravail sont bien supérieurs à ses inconvénients.
Quelles bonnes pratiques et points d’attention les entreprises peuvent-elles retenir de cette étude ?
Cette étude amène à se poser des questions sur l’organisation optimale du travail hybride. En effet, on voit mal comment les entreprises pourraient revenir en arrière sans dommage pour leur attractivité employeur et la fidélisation de leurs collaborateurs.
L’enjeu est donc bien de pallier les difficultés que peut engendrer le télétravail et notamment tout mettre en œuvre pour faire vivre le collectif de travail. Il s’agit également d’assurer la qualité de vie des collaborateurs, aussi bien lorsqu’ils viennent sur site que lorsqu’ils télétravaillent. Les managers sont en première ligne par rapport à ces défis, charge aux entreprises de les outiller pour qu’ils répondent à ces nouveaux enjeux.