Au quotidien, un directeur des ressources humaines est confronté à des situations sensibles. Si ce métier est vecteur de grande satisfaction par toute la politique d’accueil et d’accompagnement et de bien-être des collaborateurs de l’entreprise, il peut aussi impliquer parfois d’être le porteur de décisions difficiles : plans sociaux, licenciements… sans qu’il en soit toujours le décideur. Au cœur de la gestion de l’humain de l’entreprise, le DRH peut être soumis à des conflits de valeurs. Il est à la fois mobilisé par la Direction et par les salariés, par moments pour des objectifs contraires. C’est visible dans certaines études comme celles de la Cegos, qui indique que 44% des DRH interrogées déclarent qu’il leur arrive d’agir contre leur éthique et leurs valeurs.
Le Cercle Humania propose une série de portraits de DRH par le prisme de leur rapport à l’éthique dans leur métier. Caroline Gonin, Directrice RH et RSE du Groupe Transdev, est la première à se prêter à l’exercice.
Ces chiffres (44% des DRH interrogés déclarent qu'il leur arrive d'agir contre leur éthique ou leurs valeurs) vous semblent-ils en adéquation avec votre expérience ?
Ce pourcentage est élevé mais il s’explique notamment par le fait que le métier s’y prête : il est centré sur l’humain et touche à des sujets sensibles. C’est aussi l’intérêt de ce métier : l’interaction entre l’entreprise et ses salariés. Dans ma carrière, j’ai eu la chance de ne pas connaître de dilemmes de ce type.
Je pense que la question à se poser en cas de manque d’alignement, c’est de savoir s’il s’agit d’un cas particulier (sanction, plan social…) ou si c’est quelque chose de plus systémique et régulier. Dans le second cas, en parler puis s’il n’y a pas de changement, envisager le départ est le meilleur choix à faire car nous devons justement être parmi les garants de l’éthique au sein des organisations.
L’éthique prend-elle plus de place dans le métier de DRH depuis quelques années ?
L’éthique est un sujet majeur lié à la responsabilité sociale de l’entreprise et qui n’est pas nouveau. Corruption, blanchiment, Droits humains, concurrence déloyale, Confidentialité des données… Tous ces sujets sont strictement encadrés par la loi et très contrôlés dans les entreprises. Aujourd’hui, en plus, l’entreprise est tenue à la transparence sur les risques associés matériels qu’elle pourrait avoir sur ses marchés ou dans son écosystème de partenaires, de fournisseurs en particulier.
L’enjeu d’aujourd’hui, et nous y œuvrons chez Transdev, c’est d’accompagner les collaborateurs dans leur connaissance et leur compréhension de ces dimensions pour qu’elles soient intégrées à leurs pratiques de travail.
D’un point de vue plus strictement RH et managérial et ceci en lien avec la santé et la sécurité des collaborateurs, on assiste aussi à une montée en puissance de la question de l’éthique. Lorsque j’étais étudiante, un formateur s’était présenté, avec une forme de fierté, comme un spécialiste des plans sociaux. Ce serait impossible aujourd’hui, ce type de discours n’est plus tenable. On assiste à une évolution de la place de la RSE et de l’éthique au sein des entreprises dont le rôle dans la transition environnementale et solidaire est accru. Nous avons un rôle d’accompagnement de ces transitions, et elles doivent être inclusives.
La question de l’environnement et de la RSE devient de plus en plus incontournable et nous avons individuellement et collectivement un sujet de responsabilité. Pour de nombreuses entreprises, il y a de plus en plus de pressions extérieures : ONG, gouvernements… Le sujet de l’éthique est en lien avec une question stratégique d’image et de messages que l’on souhaite transmettre à l’extérieur. Le phénomène des lanceurs d’alerte en est un bon exemple.
L’entreprise est de plus en plus attendue sur ce qu’elle fait au-delà de ses résultats financiers et la société lui demande une forme d’exemplarité. Les collaborateurs ont de leurs côtés plus régulièrement des réflexions autour de la quête de sens et de leurs propres valeurs. Lors des entretiens, la question de l’engagement de la société dans les enjeux qui la dépassent est très souvent abordée en premier et c’est une bonne chose.
Enfin, il y a également de nombreuses attentes RSE du côté des actionnaires, notamment en termes de diversité, d’inclusion et d’environnement ces questions et la façon dont les entreprises les traitent font partie intégrante de plus en plus de la valeur de l’entreprise.
L’éthique prend-elle plus de place dans le métier de DRH depuis quelques années ?
Nous avons d’abord des attentes de la part des candidats. Le métier a-t-il du sens ? Quelle est ma valeur ajoutée ? Quel est le processus de recrutement ? Quid de la flexibilité que je peux avoir une fois embauché en termes d’organisation du travail ?… Il s’agit d’apporter des réponses à ses questions et des exemples concrets et c’est ce que nous avons voulu faire en retravaillant notre proposition de valeur pour les salariés.
Au sein de Transdev, nous travaillons beaucoup sur l’articulation entre le local et le global. Comment maintenir une cohérence globale entre différents niveaux d’actions, un alignement managérial et des garde-fous ?
Nous avons également inclus le sujet de l’éthique dans notre stratégie RSE, structurée autour de 6 engagements nécessitant à la fois un fort engagement du management et des équipes RH :
- Le développement dans les territoires en favorisant l’accès au transport
- La diversité, l’équité et l’inclusion
- La qualité de l’Environnement de travail afin d’attirer, d’engager et de retenir nos collaborateurs
- L’éthique et la conformité
- La réduction de notre empreinte carbone
- La sécurité et la sûreté
Au niveau des actions, quels éléments ont été mis en place pour favoriser une meilleure éthique ?
Chez Transdev, nous avons des comportements de référence qui servent de ligne directrice : Care, Share, Dare.
Care : l’attention aux autres, notamment l’accent sur la sécurité des collaborateurs et des usagers, les conditions de travail, le développement et la formation des collaborateurs…
Share : partager, nous valorisons particulièrement le travail d’équipe et le collaboratif, ce qui se manifeste à travers des partages d’expériences et de bonnes pratiques
Dare : Oser, la confiance est importante pour permettre aux collaborateurs de s’autoriser à faire et c’est aussi une manière de permettre l’empowerment de chacun.
Transdev a aussi formalisé les bonnes pratiques dans un code éthique. Sa définition est placée sous la vigilance d’un Comité d’éthique et de conformité. Nous faisons beaucoup de sensibilisation et de formations autour des notions d’éthique et de compliance pour s’assurer que les engagements se diffusent à tous les niveaux. Nous avons signé des chartes comme le Global Compact, qui contribue à la relation de confiance avec nos différentes parties prenantes et avions déployé et communiqué dans chaque pays du Groupe, un système de gestion qui permet aux collaborateurs de savoir « comment bien faire ». Il comporte un dispositif d’alerte qui donne la possibilité à tout collaborateur et partie prenante externe du Groupe de signaler un problème de conformité (harcèlement, corruption, abus, dysfonctionnements…).
Nous transportons chaque jour en moyenne 11 millions de personnes dans 19 pays et nous avons la responsabilité de fournir un service sûr, fiable et innovant au quotidien : c’est notre Raison d’Etre.