Le management interculturel : un avantage compétitif pour les Ressources Humaines

Management interculturel des équipes et RH

Le monde de l’entreprise évolue depuis les années 80 dans un monde de plus en plus varié culturellement. Dans ce cadre, le management interculturel est une dimension interdisciplinaire des RH. Il a pour objectif de faciliter les échanges et la communication entre différentes cultures et des individus ayant des échelles de valeurs disparates. Le domaine intervient aussi bien dans la gestion des relations au travail, de la législation RH, dans la gestion des conflits et dans le développement de la stratégie RH. Être capable de gérer les organisations interculturelles est un avantage compétitif non négligeable.

Et de par leur rôle transverse, les RH sont les plus à même de porter ce type de sujet au sein des structures.

Pourquoi prendre en compte l’interculturel dans les Ressources Humaines ?

La dimension interculturelle dans les Ressources Humaines se joue à plusieurs niveaux selon le type d’entreprise aussi bien que dans la composition des équipes.

Que ce soit dans des entreprises internationales ou sur le marché domestique, de plus en plus d’équipes sont composées de collaborateurs issus de multiples cultures. Que ce soit d’un point de vue légal ou social, la gestion des Ressources Humaines dans ce type de contexte demande un travail supplémentaire. En effet, les incompréhensions autour d’habitudes culturelles différentes, les besoins et les façons de communiquer varient d’une culture à une autre. Dans son essai La dimension cachée, Edward T. Hall insiste sur le fait que les différences d’éducation et de contexte culturel ont un impact massif sur la façon dont est interprétée la communication, non verbale en particulier.

De même, l’implémentation sur un marché à l’étranger implique de bien comprendre la culture de la destination en question. Ce qui est perçu comme normal en France peut être mal interprété aux Etats-Unis et vice-versa. Bien connaître les lois et réglementations en vigueur mais aussi ce qui tient du code social permet de structurer sa stratégie d’approche, de communication RH, de rétention et le relationnel au quotidien. Le développement d’une conscience interculturelle est beaucoup plus important lorsque vous travaillez à distance. L’embauche n’étant pas liée au lieu de travail, vous serez amené à travailler avec des personnes d’origines très diverses.

Outre les aspects stratégiques et fonctionnels, regarder la dimension interculturelle permet également d’innover et de découvrir de nouvelles pratiques.

Le modèle de Hofstede propose différentes dimensions pour mieux comprendre les différences culturelles

Un modèle qui explore les différences culturelles entre pays

Le modèle de Geert Hofstede est considéré comme l’un des systèmes d’analyses les plus complets des dimensions culturelles d’un pays. Il permet aux organisations de mieux comprendre les enjeux lors de l’entrée sur le marché d’un pays. D’autres angles d’analyse permettent de mieux comprendre comment gérer la dimension interculturelle des équipes, à un niveau plus individuel.

Le modèle donne accès à des données quantitatives, ce qui permet de faciliter l’évaluation des compétences et d’effectuer des comparaisons pour mieux comprendre les différences culturelles. Il est par exemple de possible de comparer deux cultures différentes pour bien comprendre les écarts culturels autour de 6 grandes dimensions :

Comparaison culturelle entre deux pays selon le modèle de Hofstede
Que signifie exactement chaque dimension ?

Quelles sont les dimensions du modèle Hofstede ?

Les 6 dimensions du modèle de Hofstede(1)

L’indice de distance hiérarchique :

Cette dimension traite des inégalités entre les individus – elle exprime l’attitude de la culture envers ces inégalités. La distance hiérarchique est définie comme la mesure dans laquelle les membres les moins puissants des institutions et des organisations d’un pays s’attendent à ce que le pouvoir soit distribué de manière inégale et dans quelle mesure ils l’acceptent.

L’individualisme contre le collectivisme :

La question fondamentale abordée par cette dimension est le degré d’individualisme ou de collectivisme qui lie les membres d’une société. Il s’agit de savoir si les populations se définissent en termes de “je” ou de “nous”. Dans les sociétés individualistes, on considère que les individus ne s’occupent que d’eux-mêmes et de leur famille directe. Dans les sociétés collectivistes, les gens appartiennent à des “groupes” plus larges qui prennent soin d’eux en échange de leur loyauté.

Masculinité / féminité :

Un score élevé de masculinité sur cette dimension indique que la société sera guidée par la compétition, la réussite et le succès, le succès étant défini par le gagnant / le meilleur dans son domaine – un système de valeurs qui commence à l’école et se poursuit tout au long de la vie de l’organisation.

Le degré d’évitement de l’incertitude :

Cette dimension, l’évitement de l’incertitude, est liée à la manière dont une société gère le fait que l’avenir ne peut jamais être connu : faut-il essayer de contrôler ou simplement le laisser se produire ? Cette ambiguïté est source d’anxiété, et les différentes cultures ont appris à gérer cette anxiété de différentes manières. La mesure dans laquelle les membres d’une culture se sentent menacés par des situations ambiguës ou inconnues et ont créé des croyances et des institutions qui tentent de les éviter se reflète dans le score de l’évitement de l’incertitude.

Orientation long terme ou court terme :

Cette dimension décrit comment chaque société doit maintenir certains liens avec son propre passé tout en faisant face aux défis du présent et de l’avenir, et les sociétés donnent des priorités différentes à ces deux objectifs existentiels. Les sociétés normatives, qui obtiennent un score faible sur cette dimension, par exemple, préfèrent maintenir les traditions et les normes ancestrales tout en considérant le changement sociétal avec suspicion. Celles dont la culture obtient un score élevé, en revanche, adoptent une approche plus pragmatique : elles encouragent l’épargne et les efforts en matière d’éducation moderne afin de préparer l’avenir.

Le plaisir contre la retenue :

La mesure dans laquelle les gens essaient de contrôler leurs désirs et leurs impulsions, en fonction de la façon dont ils ont été élevés. Un contrôle relativement faible est appelé “plaisir” et un contrôle relativement fort est appelé “retenue”. Les cultures peuvent donc être décrites comme tournées vers le plaisir ou restreintes.

Quelques exemples de spécificités culturelles dans les Ressources Humaines

Mais comment les différences culturelles impactent-elles la gestion des ressources humaines pour les entreprises ? Les exemples sont nombreux, nous en avons sélectionné deux significatifs pour les RH.

Présentiel versus distanciel, une acceptation différente selon les cultures

Lors de la pandémie, les nombreuses études qui ont fleuri sur l’hybridation des modes de travail ont permis de mettre en avant d’importantes différences culturelles entre les pays en matière d’acceptation du travail à distance. En effet, on peut voir de fortes disparités suivant le taux de travailleurs en distanciel par pays ou les réglementations dans les entreprises. De la même façon, on constate des variations dans la productivité des collaborateurs et l’adoption de la pratique, même pendant la pandémie.

La Japon, par exemple, a vu son taux de télétravail augmenter de manière importante (près de 28% contre moins de 10 avant la pandémie). Cependant, cette hausse s’est accompagnée, paradoxalement, d’une baisse de la productivité. En effet, la culture japonaise est fortement liée à la présence au bureau. De la même façon, comme le lieu de travail est très compétitif, l’usage d’outils collaboratifs digitaux ne fait partie des habitudes des collaborateurs nippons. Dans des pays comme le Danemark, le télétravail est au contraire très répandu. C’est notamment grâce à une culture du travail plus horizontale, centrée sur les objectifs à atteindre plutôt que sur la compétitivité.

La gestion du congé paternité, une mesure qui change drastiquement selon les pays

Les droits lors de la naissance d’un enfant sont très variables d’un pays à l’autre et montrent des conceptions différentes de la place de la famille et du travail dans la vie des individus. Le congé paternité est particulièrement représentatif tant il varie dans le monde. Il faut regarder du côté des pays nordiques pour voir les avances les plus importantes. Le premier à avoir mis en place un système de congé paternité est la Finlande dès 1993. Depuis, les modalités ont été modifiées à plusieurs reprises. Aujourd’hui, dix semaines reviennent à la mère, dix semaines au père, sur les 48 semaines proposées à 100% de la rémunération ou 80% pour 59 semaines.

Si les congés paternité existent, les hommes qui en bénéficient ne les prennent pas forcément. Par exemple, la Corée du Sud est l’un des pays les plus généreux en la matière. Cependant, très peu de jeunes pères souhaitent en profiter. Une fois de plus, le Japon est dans le même cas. De manière plus générale, cet aspect montre que mettre en place des politiques avant-gardistes doit être accompagné de mesures pour favoriser le changement culturel afin qu’elles soient appliquées. Ce sont deux cultures où l’environnement de travail compétitif s’allie à une division des rôles dans le couple traditionnel. Dans le monde, il existe encore plus de 90 pays qui ne donnent pas accès à un congé paternité. Voire, comme aux Etats-Unis, aucune loi ne permet de prendre du temps payé pour s’occuper des enfants à leur naissance. Aux Etats-Unis, proposer des congés payés pour la naissance est donc une compensation financière envisageable pour être plus attractif face à des concurrents locaux.

Très peu d’organisations n’ont aucun enjeu de gestion interculturelle aujourd’hui. La compréhension des enjeux de l’interculturalité doit donc être prise en compte à tous les niveaux de l’entreprise, et notamment par les Ressources Humaines. Que ce soit lors de l’entrée dans un nouveau marché à l’international que dans la gestion d’équipes de plus en plus interculturelles. Si l’utilisation d’un modèle aide, sa principale restriction est que les individus ne sont pas leur culture, mais simplement influencés par celle-ci.
Camille Barbry
Camille Barbry
Gestionnaire de contenu
Camille Barbry crée du contenu depuis plus de 4 ans. Spécialisée en Ressources Humaines. Elle a coécrit un livre, “RH et transformations, Stratégies et tactiques pour s’adapter dans un monde incertain”, paru en mai 2022 aux éditions Dunod. Depuis 2022, elle travaille au Cercle Humania comme gestionnaire de contenu.