Le 3 février 2020
Invité
Quelques mots sur l'événement
Lors du dîner débat du 3 février 2020. Hubert Mongon, Délégué général de l’UIMM, s’est exprimé sur le rôle de la négociation collective dans le monde actuel.
Hubert Mongon commence son intervention par rappeler quelques éléments fondateurs autour de la question de la négociation collective. La démocratie sociale est un système qui permet d’assurer la stabilité. Dans ce système, la négociation collective vise à fixer des règles impératives entre partenaires sociaux.
La question qui se pose très vite est la place de l’Etat et de la Loi dans les négociations collectives. C’est une position inconfortable. La négociation a le même rôle de définir des règles et des limites autour d’un métier, comme le font les lois. On entre dès lors dans ce qu’on appelle la notion de liberté contractuelle.
La notion a beaucoup évolué au fil de l’histoire et montre à quel point le sujet est complexe. La loi Le Chapelier en 1791 met fin aux corporations et aux corps de métier. Elle introduit la liberté de travail sans qu’il soit nécessaire aux individus d’appartenir auxdites corporations. Ensuite, le Code Civil explique en 1804 qu’employeurs et salariés sont libres de contractualiser ce qu’ils souhaitent en toute liberté. Or, le docteur Villermé, en 1840, constate que le Code Civil oublie le lien de subordination et la dépendance économique entre les deux parties. La relation entre employeurs et salariés n’est plus considérée comme naturellement juste et équitable. Alors comment intervenir dessus pour réduire ce déséquilibre des pouvoirs ?
Ce n’est qu’en 1950 qu’on parvient à poser une loi qui pose les fondations du principe de convention collective. L’objectif est de trouver des solutions au plus proche du terrain. En effet, il est estimé que le législateur n’est pas à même de connaître toutes les subtilités et besoins des métiers. Il subsiste une ambiguïté sur la place de l’Etat. En 1982, l’Etat décide pour la première fois que la convention collective prévaut sur la Loi sur le temps de travail. Avec les lois sur la représentativité puis les ordonnances Macron de 2004 à 2008, la tendance vers plus d’autodétermination pour les entreprises et les syndicats se confirme.
Mais que faire de cette liberté ? Quels sont les points qui vont avoir un impact sur les négociations collectives ? Les entreprises sont de plus évaluées selon leur habileté à mener à bien leurs vocations économiques et sociales. Hubert Mongon ajoute ici la question de la décentralisation : Il y a une montée en puissance des territoires depuis quelques années. On y retrouve la philosophie derrière la négociation collective, qui d’être au plus près des besoins du terrain : cette décentralisation implique de mieux répondre aux besoins localisés.
Le troisième élément qui frappe l’intervenant concerne les aspirations des nouvelles générations de chefs d’entreprise. Ils souhaitent contribuer à un projet commun, que ce soit autour de l’environnement comme de la raison d’être. La place de l’individu face au travail est de plus en plus prépondérante. Ce nouveau paradigme est visible à travers les questions du sens de ce qu’on fait, sens au niveau de l’avenir, de l’environnement comme de la portée sociale de ce que l’on effectue.
Si on se demande régulièrement quel type d’organisation est la plus efficace, M. Mongon constate que ce sont les entreprises avec peu de niveaux hiérarchiques, également les plus représentés, qui le sont. L’organisation du travail connaît en plus de grands changements. Les salariés en CDI ne sont plus les seuls à prendre en compte dans les négociations, et même la notion d’hybridation du travail apporte de nouvelles interrogations. Voilà des changements de paradigme qui questionnent la notion-même de branche collective.
Au milieu de tous ces changements, la négociation collective a du mal à trouver sa place. Elle se passe sur un temps long et est, par nature, le fruit d’un compromis, et donc moins impactant que ce qui est parfois voulu. D’autant plus que la situation syndicale en France n’est pas au beau fixe et que, du côté patronal, il est difficile de se réinventer pour trouver de nouveaux modèles d’entreprises. On tombe de plus en plus dans l’idéologie plutôt que dans le pragmatisme. À l’heure où on demande de faire preuve de créativité pour renouveler les accords collectifs, il est complexe de changer les habitudes.
Enfin, Hubert Mongon évoque le fait que le pouvoir en place remet en cause le rôle des corps intermédiaires dans les négociations. Les acteurs sociaux sont vus comme un obstacle entre le pouvoir et le peuple. Pourtant, ces organisations sont aussi les plus proches des besoins du terrain.
En conclusion, à quoi servent les négociations collectives aujourd’hui ? Ce sont les organismes les plus proches des besoins des corps de métiers et les plus à même de s’adapter au changement. On demande aux organisations syndicales d’être forces de proposition autour de l’environnement de travail. C’est d’autant plus stratégique que l’entreprise est considérée comme l’un des derniers lieux à pouvoir apporter des solutions aux problèmes des Français.
Sur quoi ces organismes sont-ils amenés à travailler ? Il y a quatre priorités :
Accompagner la dynamique de réformes du gouvernement
Éviter d’alourdir les charges des entreprises
Analyser systématiquement l’impact social des mesures économiques
Garder le lien avec la société française dans sa globalité, que les sujets soient religieux, techniques, familiaux, culturels…